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C’est qui le chef ? La question de l'obéissance chez l'enfant.

Updated: Jun 1, 2020


Le petit Tom, cinq ans, rouge pivoine hurle à pleins poumons et en pleine rue comme si sa vie en dépendait ! Le drame ? Maman refuse de lui acheter une glace. Mais du coup, sous les regards consternés des chalands, Maman hésite… Cèdera, cèdera pas ? Pas facile de tenir bon. Et pourtant, l’enjeu est de taille…

On a tous en tête cette pub où une mère se jette au sol en poussant des cris d’orfraie dans l’allée d’un supermarché afin de désamorcer la crise de son gamin. Et on a tous vu Super Nanny à la télé, appelée à la rescousse par des parents à bout de nerfs, totalement dépassés par un petit despote féroce pas plus haut que trois pommes et qui à lui tout seul génère plus de stress qu’une crise mondiale sanitaire!


Problème d’autorité ?

Tandis que sociologues et philosophes se penchent sur les causes du problème – à savoir, la perte de sens du concept d’autorité - les psys, eux tirent la sonnette d’alarme. En substance, ils nous avertissent que si nous ne reprenons pas d’une main ferme les rennes de l’éducation de nos enfants, nous ne faisons pas correctement notre métier de parents ! Pas moins…

Un métier pas comme les autres

Devient-on chirurgien, plombier ou employé de bureau sans un minimum de formation ? Que nenni ! Eh bien …dans ce cas, où se trouvent les universités qui forment au métier de parents ? Quels stages d’apprentissage peut-on convoiter pour en acquérir les bases requises ? Pas la peine d’épiloguer, nous connaissons tous la réponse. Et pourtant, « parent » est un poste à (énormes !) responsabilités avec des horaires éprouvants dont de multiples shifts de nuit, sans pauses syndicales ni congés payés et qui exige une totale abnégation !

Un métier qui demande de savoir allier amour, patience, tendresse et … autorité. Or, c’est souvent là que le bât blesse. Il y a à peine une génération de cela, on ne faisait pas tant de sentiment concernant les enfants. L’autorité était inhérente au statut d’adulte et n’était pas remise en question. Ce qui, hélas!, a donné lieu à toutes sortes de dérives avec des séquelles plus ou moins graves.


Du coup, mai 68 s’est posé en pourfendeur de l’autorité et l’a mise au placard. Mais ce faisant, disons le tout net, on a jeté le bébé avec l’eau du bain. Car l’autorité n’est pas une mauvaise chose en soi. On a confondu – et on confond encore souvent – discipline nécessaire au développement et abus de pouvoir. Ou pour reprendre la distinction de Gérard Guillot, un spécialiste en la matière, il faut faire une différence nette entre l’autorité qui détruit et l’autorité qui construit. La première, bien connue a été suffisamment décriée : elle renvoie à toutes les attitudes et pratiques autoritaristes, voire totalitaires qui consistent à modeler le corps et la pensée de l’enfant dans des cadres définis par l’adulte.

Pratiques qui dans tous les cas font appel à la violence, qu’elle soit physique et clairement identifiable ou morale et plus sournoise. Quoiqu’il en soit, il paraît évident aujourd’hui que cette forme d’autorité n’est plus du tout acceptée dans notre société souhaite offrir à l'enfant la pleine expression de sa personnalité.


Cependant, l’excès de laxisme ne permet pas plus à l’enfant de s’exprimer que l’excès d’autorité. Sans règles ni limites, il se trouve dans une position intenable où il tient le rôle d’un petit despote tout-puissant qui tourne ses parents en bourriques mais il n’en reste pas moins un être non accompli, qui a besoin d’être guidé sur son chemin de vie.

Le travail des parents consiste donc à endosser ce rôle de guide et à s’approprier l’autorité qui l’accompagne afin de transmettre à l’enfant un cadre de références au cœur duquel il pourra se développer et exprimer son individualité en toute sécurité. Comme l’évoque Stéphane Clerget, pédopsychiatre, dans son ouvrage au titre évocateur : « Parents, osez vous faire obéir », un enfant qui sait obéir saura plus tard s’obéir à lui-même et donc avoir son self-control. Un enfant qui se croit tout-puissant sera rejeté par les autres et donc malheureux. S’il se pense au-dessus de ses parents, non seulement il ne voudra rien apprendre d’eux, ni de personne, mais il pensera avec angoisse qu’ils sont également incapables de le protéger.

Un petit check-up

Cela dit, la question de l’obéissance n’est pas binaire. On n’a pas soit un enfant qui obéit soit un enfant qui n’obéit pas. Il y a une infinité de d’intermédiaires entre les deux extrêmes et pour cause : l’obéissance n’est pas innée chez l’enfant. C’est un apprentissage. Il faut donc s’attendre à des progrès suivis de moments de régression. Cependant, on peut observer certaines constantes notamment dans les éléments qui peuvent venir entraver le bon apprentissage de l’enfant. Ainsi, un enfant peut avoir de bonnes raisons de ne pas obéir. Stéphane Clerget invite donc les parents à faire en première instance un petit check-up pour comprendre ce qui se passe dans la tête du petit… de même que dans celle des grands.

Quand un enfant refuse d’obéir, on pense immédiatement qu’il y met de la mauvaise volonté. "Cela peut être le cas mais pas toujours, indique Stéphane Clerget… S’opposer est un des moyens les plus simples dont il dispose pour faire entendre que quelque chose ne va pas. Par ailleurs, il est important de vérifier que ses rythmes sont respectés. Un jeune enfant a besoin de calme et de régularité. Le trio gagnant : bonne alimentation, sommeil suffisant et comptant de câlin", poursuit le pédopsychiatre.


Ces derniers sont peut-être encore plus importants que les deux besoin précédents. Nous parlons d’un vrai temps accordé à l’enfant, que ce soit des câlins ou des discussions, selon son âge. Un temps incompressible d’au moins trente minutes si l’on ne peut vraiment pas faire plus (multiplié par les deux parents cela fait au moins une heure). C’est un moment de disponibilité, où l’on est à son écoute, un temps sans exigences. Celui qui provoque en n’obéissant pas est peut-être tout simplement en train de demander l’attention qu’il n’arrive pas à obtenir autrement. Il veut que le train s’arrête pour souffler un peu, même si c’est dans le conflit ! Et puis, l’enfant est un grand imitateur : s’il voit ses parents incapables de se poser, gageons qu’il aura les mêmes difficultés pour faire ses devoirs ou finir un puzzle sans s’agiter dans tous les sens…

Ainsi, avant de mettre en place l’autorité qui construit, il est important aussi que les parents s’interrogent sur leur vie ainsi que sur leur rapport personnel à l’autorité. Stéphane Clerget interpelle les parents : Etes-vous débordé, énervé, soucieux ? Elever un enfant demande une immense patience et une grande disponibilité que l’on n’a pas toujours selon les périodes de la vie, et c’est bien normal. Si on vient de divorcer, si on est au chômage on peut vite se laisser déborder par ses émotions. Il ne faut pas hésiter alors à se faire aider.


C’est faire preuve de responsabilité vis-à-vis de son enfant que de savoir déléguer son autorité et sa présence. Autrefois, on élevait ses enfants au sein d’une famille élargie avec des grands-parents, des oncles, des tantes… C’est moins le cas aujourd’hui et il faut quand même savoir s’entourer en cas de nécessité sans se sentir coupable.


Enfin, en tant qu’adulte, notre rapport à l’autorité a été formaté au cours de notre propre enfance. Avons-nous souffert d’une autorité trop stricte qui ne donnait pas assez de place à l’expression de notre ressenti d’enfant ? Cela peut être une entrave dans l’expression d’une autorité saine vis-à-vis de nos propres enfants. "Si vous considérez l’obéissance comme une soumission, une défaite, une capitulation, précise encore Stéphane Clerget, il n’est pas étonnant que votre enfant vous imite. Les enfants ont des antennes très perfectionnées pour saisir ce genre d’ambivalence chez leurs parents et reprendre le flambeau de votre lutte enfantine. Aussi, quand quelque chose se grippe dans la vie de famille, il ne faut pas hésiter à faire un petit travail d’introspection sur soi-même…"

Quelques trucs et astuces de Stéphane Clerget pour se faire obéir en douceur…

  • Expliquer les règles. Un enfant qui n’obéit pas n’a peut-être pas compris le bien-fondé de la règle. Autrefois on pouvait répondre : « c’est comme ça et pas autrement ! ». Mais aujourd’hui les règles varient d’une famille à l’autre. Il est donc important de les expliquer

  • Un calendrier de règles claires et précises : lorsque les règles sont claires, il est plus facile d’y obéir. Les hiérarchiser apporte aussi une sécurité : ainsi il y a les interdits sur lesquels on ne transige pas (taper son petit frère, être insolent, insulter.). D’autres éléments en revanche sont négociables : l’heure du coucher, les visites chez les copains…

  • De même que l’on peut établir un tableau des interdits, on peut faire un tableau des permissions. Certains enfants sont débordés par les interdits au point de ne plus savoir ce qu’ils ont le droit de faire. On pourrait dire qu’il faut qu’il y ait autant de choses permises qu’interdites, comme il est bon d’adresser autant de compliments que de reproches à son enfant.

  • Utiliser des formules positives : « Ne cours pas, tu vas tomber… », « arrête de manger bruyamment ! » A ces injonctions négatives préférez une formule positive, ou simplement une mise en garde comme : « marche doucement, le sol est glissant » ou « mange lentement et en fermant la bouche ». L’avantage : on obtient tout simplement mieux l’adhésion de l’enfant si on lui dit ce qu’il doit faire plutôt que ce qu’il ne doit pas faire…

  • Ne pas jouer sur l’affectif : "Mange ces choux de Bruxelles pour faire plaisir à Maman". Les règles ont leur raison d’être, elles ne sont pas établies pour le bon plaisir du parent, mais dans l’intérêt de l’enfant. Ainsi, si l’enfant doit aller au lit c’est parce qu’il en a besoin et non pour faire plaisir à Maman.

  • Enchantez le quotidien. Comment lui faire accepter les contraintes ? Une bonne astuce est d’y mettre un peu de gaieté, d’en faire un jeu, autant qu’on le peut. Il existe chez certains êtres humains la capacité de transformer les moments pénibles de la vie en moments de bonne humeur et de partage…

Film:

Demandez la permission aux enfants ! Réalisé par Eric Civanyan, avec Sandrine Bonnaire, Pascal Légitimus, Anne Parillaud…

Livres:

  • Parents, osez vous faire obéir, Dr Stéphane Clerget, Bernadette Costa-Prades, Albin Michel, 2007, 6,50 euros

  • L’autorité en éducation : sortir de la crise, Gérard Guillot, Ed. ESF, 2006, 21,85 Euros

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