Mauvaise habitude #3: confondre contrôle des émotions et gestion des émotions
Quand les psys parlent de la “gestion des émotions”, ils ne parlent pas de l’occurence d’une émotion. En effet, on ne contrôle pas le moment où l’émotion surgit. Par contre, on peut gérer l’avenir, le "destin" de cette émotion. Or, nous avons tendance à nous précipiter pour tenter de contrôler nos émotions soit en les réprimant, soit par la pensée. Le danger réside dans le contenu de ces pensées.
Par exemple, si quelqu’un nous fait une remarque désobligeante, on peut se sentir vexé, triste, en colère, diminué, humilié… Le surgissement de cette émotion n’est pas contrôlable. En revanche, on peut gérer ce que l’on fait “avec” cette émotion après qu’elle soit survenue.
Les émotions sont des moteurs d’action (émotion vient du latin motio qui signifie mouvement). La peur nous fait fuir, la colère nous fait attaquer, la tristesse nous fait pleurer, la joie nous fait sourire, sauter, danser…
Cela dit, les émotions ont une particularité temporelle: elles surgissent en nous sans crier gare mais leur durée de vie est extrêmement brève. L’exemple familier est celui de la porte qui claque: une porte claque, on sursaute (le bruit inattendu déclenche de la peur) et… c’est tout! Cela dure quelques millièmes de secondes. Pourquoi avons-nous tant de mal avec des émotions qui semblent durer des éternités?
Pour la seule et simple raison que lorsque nous ressentons une émotion, au lieu de la laisser suivre son cours naturellement bref, nous nous mettons à … penser.
Exemple A.
Je croise un collègue qui me dit: “Oh tu as l’air fatiguée, toi”. Cette remarque me dérange un peu et, en une fraction de seconde, je me mets à “penser”: “C'est vrai que ce matin, je suis pâle et j’ai les yeux cernés. Si cette personne l’a remarqué, d’autres le verront sans doute, du coup mon patron va peut-être penser que je suis malade et donc pas productive, il va penser que je fais mal mon travail et … oh justement, ça me fait penser que j’ai fait une erreur dans ce dossier la semaine passée, voilà bien la preuve que je suis inefficace. De là à ce que je me fasse renvoyer, il n’y a qu’un pas, d’autant que j’ai entendu dire qu’on va licencier dans un service, je ne sais pas lequel, mais ce sera sûrement le mien et d’office c’est moi, vu mon incompétence… etc., etc.”
Nous voyons à travers cet exemple que l’émotion première “ça me dérange”, qui n'aurait pu durer que quelques millièmes de secondes (comme dans l'exemple de la porte qui claque"), prend des proportions inouïes dès qu’elle est saisie par la pensée. C’est ce que les psychologues appellent “cognition sur émotion”. On voit que les deux ne font pas un tandem très optimal!
Ajoutons à ce cocktail déjà explosif notre mauvaise habitude à croire que ce que nous pensons est vrai et pertinent et nous avons la recette magique pour des montagnes russes émotionnelles à longueur de journée!
Encore une fois, répétons-le, nous ne pouvons pas contrôler le surgissement de l’émotion. Mais nous pouvons gérer son destin. Nous pouvons gérer nos pensées.
Une manière de gérer ses émotions est de se demander lorsqu’on ressent une émotion: “est-ce une émotion utile?”
Exemple B.
Si je marche seule le soir dans une rue sombre et qu’un bruit de pas surgit subitement derrière moi, je ressens de la peur. Cette peur me dicte de marcher plus vite - voire de prendre mes jambes à mon cou! - et de fuir sans demander mon reste. Il s’agit d’une émotion utile car, par l’action, elle peut potentiellement me sauver la vie.
Si je reprends l’exemple A, je ne peux pas contrôler le fait que cette remarque me dérange. Par contre, je peux contrôler ce que j’en fais. Par exemple, je peux prendre une profonde inspiration et laisser l’émotion se dissiper. Je peux identifier l’émotion, la nommer et me dire qu’elle n’est pas utile. Ce type de pensée: “Cette émotion n’est pas utile”, libère les zones du cerveau qui contrôlent la rationalité et permet de diminuer l’intensité de l’émotion. Avec un peu d’entraînement, on peut ainsi supprimer rapidement toute émotion inutile.
A retenir:
Ce ne sont pas nos émotions qui sont problématiques, il ne faut pas tenter de les réprimer. C'est la récupération des émotions par la pensée qui nous fait souffrir, c'est donc sur nos pensées que nous devons travailler pour retrouver la sérénité. Et donc, la gestion des émotions devrait en réalité être nommée "gestion des pensées liées aux émotions"!
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